En fin
d’été, j’ai pour habitude de faire le tour des jardins partagés afin d’observer
l’état des lieux et surtout l’état du sol. Dans la plupart des cas, c’est un
petit désastre écologique ; petit certes, mais un désastre quand même.
En un mot,
ça bidouille au jardin, mais pas dans le bio. Ce n’est pas un reproche à
l’adresse du jardinier occasionnel. Un fait tout au plus, une preuve que je me
suis encore mal expliquée ici comme ailleurs. Autan pour moi je recommence,
radote, extravague, souligne, signale, réitère, répète, appuie et insiste
encore : "écoutez, il en va de votre confort".
Le fait
d’avoir un composteur ne signifie pas à lui tout seul que l’on patauge dans le
bio. Tant s’en faut. Le compostage au jardin reste un art difficile dans la
mesure où composter demande du travail, de l’huile de coude, du temps et de
l’observation quant au bon déroulement de la triple fermentation utile à
l’affaire.
Il existe
pourtant un moyen d’en finir avec ce composteur qui transforme parfois le site
en puanteur, en élevage de mouches quand ce ne sont pas rats et souris qui
s’y délectent en permanence grâce aux belles âmes du quartier venues y déverser
avec assiduité moult épluchures. Sortons de cet enfer imposé par l’air du
temps, par mode, surtout si l’on maîtrise mal la tâche.
Pour cela, observons la nature. Revenons à l’objet même de nos préoccupations, et non aux discours tenus à
leur sujet avec ces éléments de langage choisis par ces grands manipulateurs
d’opinion que sont nos écolos de papier.
D’abord, passons en forêt. Baissons-nous jusqu’au sol pour
vérifier si la terre est basse. Elle l’est. Baissons-nous plus, cette fois-ci
le nez collé au ras du sol et observons. Que voyons-nous ? Des feuilles mortes
empilées les unes sur les autres. Les dernières tombées au sol sont simplement
posées, tandis que les plus anciennes forment un millefeuille compact au sein
duquel on devine la présence d’une humidité permanente. Mais encore ? On y
voit, en cassant un morceau de ces feuilles compactées, courir des mycéliums de
champignons, la présence d’une microfaune, des graines en germination, le tout
au milieu d’un humus en formation. C’est ce processus qu’il convient de
remettre en place au jardin au niveau même des plates-bandes.
Passons ensuite au champ. Baissons-nous pour arracher une motte
d’herbe, de préférence une motte de graminée. Observons la terre accrochée aux
racines. Elle forme des grumeaux. Ce sont là des colloïdes produits par les
bactéries, avec l’argile, en présence des racines évoluant au niveau
superficiel du sol. Là encore, nous observons un écosystème, c’est-à-dire à une
dynamique du vivant créant de l’énergie au sein de la chaîne alimentaire allant
du plus gros au plus petit et vise versa.
Voilà ce qu’il convient de mettre en place, si l’on veut se
débarrasser une fois pour toutes du composteur et des labours. Car non
seulement l’humus utile sera produit directement sur la plate-bande, mais
encore le travail du sol deviendra inutile. Quel bonheur !
Reste la question du comment faire ? Rien de plus simple. Sur un
sol vierge, difficile, abîmé, lourd et argileux à souhait, commençons par
étaler une bonne couche d’humus. Semons ensuite au début de l’été des plantes
qui serviront d’engrais vert à l’automne. Fin septembre, couchons la végétation
ainsi venue, sans en arracher les racines. Puis, au bout de quelque temps, une
fois la litière bien affaissée sur elle-même, arrosons-la copieusement pour la
recouvrir ensuite avec des copeaux de bois déchiquetés ou des écorces de
ligneux, surtout pas de conifères. C’est prêt !
Comment cela fonctionne-t-il ? Comme nature en
forêt, comme nature au champ. Expliquons.
Pour comprendre plus facilement l’enchaînement des phénomènes, il
convient de suivre la phénologie de dame nature.
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Tout débute en fait à la fin de l’été. Étalons
sur le sol du foin, des feuilles vertes, de la paille, des fanes de légumes, de
fleurs, des broyats de branchages, des tailles de haies, afin de former une
litière composite d'une bonne épaisseur.
Cette litière d’automne digérera sur place les herbes folles. Ce
sera ça de moins à désherber plus tard.
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En automne, si l’on part d’une planche
d’engrais vert, la végétation sera couchée puis arrosée abondement avant d'être
recouverte de bois fragmenté.
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En fin d’hiver, début mars, sous la litière la
terre sera ameublie, riche en vers de terre. Dès février, sous bâche, les
cultures pourront y débuter : laitue, choux précoces, et cetera.
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Au printemps, l’herbe de la litière aura été
digérée par la microflore & faune du sol. La terre de surface ameublie est
alors composée de fins granules rappelant la semoule. Cette surface est
immédiatement utilisable pour de la salade récoltable un mois plus tard.
On débutera éventuellement cette procédure à n’importe quelle
saison. Pas de temps mort au potager. On commencera toujours par une couche de
compost (humus de départ) ; ensuite viendra la mise en place de la litière
composée de déchets végétaux recyclables : gazon, paillettes de lin,
écorces de fèves de cacao, feuilles mortes. Enfin, une couche de copeaux de
bois déchiqueté finira l'ouvrage.
Toujours au printemps.
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Si la parcelle est fortement enherbée, la
litière viendra à bout des herbes indésirables. Dans ce cas, une bonne
épaisseur de foin est recommandée.
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Si la parcelle est peu enherbée, semer
directement de l’engrais vert à croissance rapide. Les racines fissureront la
terre en profondeur et la masse verte servira de litière le moment venu.
Il faut savoir que les chutes de bois fragmenté sont pauvres en
azote, mais riches en lignine, en carbone décomposable, donc en humus, cette
colle noire qui rend la terre granuleuse. Le mélange, engrais vert + bois
fragmenté, sera transformé par la micro faune et flore en un engrais naturel
(bio), nous y voilà. N’oublions pas que la micro faune et flore décompose et
brasse les éléments depuis la surface jusqu’en profondeur. Par son action le
sol est ameubli, aéré, allégé, enrichi. Enfin, le travail des lombrics aboutit
à la formation du complexe argilo-humique, si important dans la dynamique du
sol.
Tout au long de l’année, on aura donc soin d’entretenir la litière
des carrés : soit par épandage d’humus, soit en apportant des chutes de
végétation, soit pour finir en répandant du bois fragmenté riche en potasse.
Cette litière est donc à renouveler en permanence.
En début d’automne, des apports en engrais de fond sont à
recommander. On trouve dans le commerce des engrais de fond Bio réalisés à
partir de mélasse de betterave, de coquille, de corne torréfiée ou de sang
desséché, de fientes d’oiseaux. On veillera ainsi à couvrir les besoins en
azote (N) pour les plantes-feuilles, en acide phosphorique (P) pour les
plantes-fruits, en potasse (K) pour les plantes-racines. Tous ces produits sont
à décomposition lente.
Si le sol est calcaire, tout comme l’eau d’arrosage, on assurera
un apport régulier en potasse sous la forme de sulfate. Le soufre venant par
son acidité chasser au niveau du complexe argilo-humique le calcaire et l’acide
phosphorique qui en saturent la surface et bloquent ainsi les échanges ioniques
du sol en ralentissant la végétation tout en provoquant une carence en potasse
tant pour le sol que les plantes.
Bref, on ne laisse jamais un sol mis à nu sans une litière comme
couverture ou un semis d’engrais vert. On constatera bien vite que la litière
de fin d’été aura remplacé le bêchage, le sarclage, le binage, l’arrosage et
même la fertilisation. Comme se le serait écrié alors Isengrin au Moyen-Âge :
"Mortes couilles ! En voilà une belle affaire".